Depuis le 1er janvier 2025, la location des logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) est interdite en France. Une mesure issue de la loi Climat et Résilience visant à lutter contre les passoires thermiques, ces logements très énergivores qui nuisent à l’environnement et pèsent sur le budget des ménages. Mais cette interdiction a suscité de nombreuses inquiétudes, notamment chez les propriétaires bailleurs en copropriété.
Un contexte tendu entre exigences climatiques et contraintes immobilières
Un calendrier de transition énergétique déjà en cours
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a instauré un calendrier progressif d’interdiction à la location des logements énergivores :
- Depuis le 1er janvier 2025 : interdiction de mise en location des logements classés G
- À partir du 1er janvier 2028 : interdiction pour les logements classés F
- Dès le 1er janvier 2034 : interdiction pour les logements classés E
Ce dispositif s’inscrit dans une stratégie nationale de réduction de la consommation énergétique des bâtiments, responsables d’environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre.
Un parc locatif fragilisé
Sur environ 2 millions de logements classés G, 600 000 sont actuellement loués, souvent dans de vieux immeubles, des zones rurales ou des quartiers populaires. Les travaux de rénovation y sont complexes, coûteux ou techniquement impossibles, notamment en copropriété où les décisions doivent être votées à la majorité.
Les bailleurs se retrouvent alors confrontés à une alternative difficile : rénover à tout prix ou retirer leur bien du marché, aggravant ainsi la crise du logement.
La proposition de loi sénatoriale : une réponse pragmatique
Une initiative portée par Amel Gacquerre
Face aux blocages rencontrés par de nombreux propriétaires, la sénatrice Amel Gacquerre (UDI) a déposé une proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique. Elle a été adoptée en première lecture au Sénat le 1er avril 2025, avec le soutien de la ministre du Logement, Valérie Létard.
Cette proposition de loi ne modifie pas les grandes échéances fixées par la loi Climat, mais adapte son application aux réalités du terrain, notamment en copropriété.
Un texte pour sécuriser et apaiser les tensions
L’enjeu principal du texte est de sécuriser juridiquement les propriétaires en leur permettant, dans certains cas, de déroger à l’interdiction de louer un logement classé G, à condition d’avoir fait preuve de bonne foi et d’efforts de mise en conformité.
L’essentiel de la proposition de loi sur les logements G
Ce que dit le texte
La proposition de loi introduit plusieurs clarifications importantes :
- L’interdiction de louer ne s’applique qu’aux baux nouvellement conclus, renouvelés ou reconduits tacitement après le 1er janvier 2025.
- Les baux déjà en cours avant cette date ne sont pas immédiatement concernés, mais le seront lors de leur prochaine reconduction ou renouvellement, dans un délai maximum de trois ans.
- Les logements en copropriété ou maison individuelle sont concernés par ces dispositions.
Le DPE collectif entre en jeu
Autre évolution majeure : le DPE collectif (diagnostic de performance énergétique de l’immeuble) devient opposable. Si l’immeuble respecte les seuils de décence énergétique, un propriétaire pourra continuer à louer son appartement, même si son DPE individuel est classé G.
Les conditions de dérogation à l’interdiction de louer un logement G
Le texte prévoit plusieurs cas de figure permettant une dérogation à l’interdiction de mise en location. Ces situations sont strictement encadrées.
Cas où la dérogation est possible
- Travaux techniquement impossibles : en cas de contraintes architecturales, patrimoniales (bâtiment classé), ou techniques (ex. : isolation impossible sur certains murs).
- Coût disproportionné : si le coût des travaux est manifestement supérieur à la valeur du bien, le propriétaire peut être exonéré.
- Refus de travaux :
- Par l’administration (ex. : architectes des bâtiments de France)
- Par l’assemblée générale de copropriété ou le syndic, à condition que le refus ait eu lieu il y a moins de trois ans
- Par l’administration (ex. : architectes des bâtiments de France)
- Travaux en cours : si un contrat de rénovation a été signé, le propriétaire bénéficie d’un délai de 3 à 5 ans pour les réaliser, selon la nature du bien (3 ans pour maison, 5 ans pour copropriété).
- Immeuble conforme collectivement : via le DPE collectif opposable, le logement peut être loué s’il est situé dans un immeuble répondant aux critères énergétiques.
Conséquences pour les propriétaires et les locataires
Un gain de clarté pour les bailleurs
Cette proposition de loi vise à protéger les propriétaires de bonne foi. Ceux qui ont entrepris toutes les démarches nécessaires mais se heurtent à des obstacles indépendants de leur volonté ne seront pas sanctionnés. Cela évite le retrait précipité de milliers de logements du marché.
De plus, si un locataire refuse les travaux, le propriétaire n’est pas tenu responsable d’un éventuel manquement à l’obligation de décence énergétique.
Une meilleure protection des locataires
La proposition de loi introduit aussi une clarification sur les réductions de loyers. Si un juge constate que le logement est indécent, la baisse de loyer devra être proportionnelle au préjudice subi par le locataire. Un équilibre entre droit au logement et justice énergétique.
Prochaine étape : l’examen à l’Assemblée nationale
Le texte adopté par le Sénat doit désormais être examiné par l’Assemblée nationale. Il pourrait encore évoluer en fonction des amendements apportés par les députés.
Des voix s’élèvent déjà contre certaines dispositions jugées trop laxistes. Le collectif Rénovons, qui rassemble des entreprises et associations engagées pour la rénovation énergétique, s’alarme d’un risque de ralentissement de la transition écologique, notamment si les copropriétés refusent les travaux pour éviter des dépenses.
Un texte d’équilibre dans une période charnière
La proposition de loi sur les logements classés G adoptée par le Sénat marque un tournant dans l’application de la loi Climat. Sans remettre en cause les objectifs environnementaux, elle tente d’adapter le cadre légal aux réalités techniques, financières et humaines.
En offrant des possibilités de dérogation strictement encadrées, elle permet d’éviter des sanctions injustes, tout en incitant les propriétaires à s’engager dans la rénovation énergétique.
Le débat se poursuivra à l’Assemblée nationale. D’ici là, les professionnels du logement, les bailleurs et les locataires devront suivre de près l’évolution de ce texte stratégique pour l’avenir du parc locatif français.